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s’aperçut que la phalange laissait des ouvertures et des intervalles, comme il arrive d’ordinaire dans de grandes armées, où, l’effort des combattants n’étant pas le même partout, la ligne avance dans quelques endroits et recule dans d’autres. Alors il se porte rapidement dans tous les rangs, partage ses troupes par pelotons, et leur ordonne de se jeter dans les interstices et les vides que laissait la phalange ennemie, et d’engager le combat non plus tous ensemble et dans un même point, mais en faisant de divers côtés, et toutes à la fois, plusieurs attaques partielles. À peine l’ordre de Paul Émile est-il passé aux officiers, et des officiers aux soldats, que les Romains pénètrent dans les rangs des ennemis, les prennent en flanc et en queue, partout où ils les voient découverts, leur font perdre tout l’avantage de leur union et de leurs communs efforts : enfin la phalange est rompue. Les Macédoniens, dans les engagements d’homme à homme et par petits pelotons, ne frappent plus, avec leurs courtes épées, que des coups inutiles sur les solides et longs boucliers des Romains, qui s’en couvraient de la tête aux pieds ; tandis qu’eux-mêmes ils n’opposent que de légers pavois à des épées massives, et maniées avec tant de roideur, qu’il n’y avait armure où elles n’enfonçassent, pénétrant à chaque coup jusqu’au vif : aussi ne résistèrent-ils pas au choc ; et bientôt la déroute fut complète.

Ce fut là qu’on se battit avec le plus d’acharnement. Ce fut là aussi que Marcus, fils de Caton et gendre de Paul Émile, faisant des prodiges de valeur, perdit son épée. Le jeune homme, nourri dans tous les principes des saines disciplines, et qui avait à rapporter à un père signalé par ses exploits des preuves d’une valeur signalée, persuadé qu’il valait mieux mourir que de laisser, lui vivant, cette dépouille aux mains de l’ennemi, parcourt le champ de bataille, racontant sa mésaventure à tous ses amis, à tous