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comme un pilote, au mouvement et à l’agitation qui régnaient dans les deux camps, qu’il se préparait une lutte terrible ; il s’avança hors de sa tente, et parcourut les rangs pour encourager ses soldats. Nasica pousse son cheval jusqu’au lieu de l’escarmouche, et voit toute l’armée ennemie qui se disposait à en venir aux mains. Au premier rang marchaient les Thraces, dont l’aspect, écrit Nasica, inspirait surtout l’épouvante ; c’étaient des hommes d’une haute taille, armés de boucliers d’une blancheur éblouissante et de fortes bottines, vêtus de tuniques noires, et agitant sur leur épaule droite des hallebardes à la lourde hampe de fer. Après les Thraces venaient les mercenaires avec leurs armures de toute forme, et, mêlés parmi eux, les soldats péoniens. Les Macédoniens naturels formaient le troisième rang ; ils étaient, par leur valeur et par leur jeunesse, l’élite de l’armée ; ils étincelaient d’armes dorées et de manteaux de pourpre tout neufs. Eux disposés en ordre de bataille, on vit sortir des retranchements les Chalcaspides[1] dont les armes de fer et de cuivre resplendissaient au loin, et remplissaient d’éclairs toute la plaine, tandis que leurs cris et les encouragements qu’ils se donnaient les uns aux autres faisaient retentir les montagnes voisines. Ils s’avançaient avec tant d’audace et de vitesse, que les premiers qui furent tués ne tombèrent qu’à deux stades du camp des Romains.

Dès que la charge a commencé, Paul Émile court aux premiers rangs, et s’aperçoit que les capitaines macédoniens ont enfoncé le fer de leurs piques dans les boucliers des Romains, qui ne pouvaient, avec leurs épées, atteindre jusqu’à eux. À cet instant, les autres Macédoniens prennent en main les boucliers qu’ils portaient suspendus à leurs épaules, baissent tous à la fois leurs piques, et les présentent à l’ennemi : à la vue de cette

  1. Ce mot signifie qui a un bouclier d’airain.