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tise ambitieuse, mais dans l’intérêt de la liberté des Grecs. Icétas, au contraire, n’avait accepté le commandement qu’avec une arrière-pensée de tyrannie, et nullement dans le but d’affranchir Syracuse. Il traitait secrètement avec les Carthaginois, tandis qu’il appuyait en public les Syracusains et joignait ses députés à ceux qu’ils envoyaient dans le Péloponnèse. Il eût été bien fâché qu’il leur vînt de là aucune troupe de renfort ; il espérait que les Corinthiens refuseraient d’envoyer du secours : ce qui était vraisemblable, vu les troubles et les embarras de la Grèce ; et, partant, qu’il y aurait moins d’obstacles à l’établissement des Carthaginois ; et c’est sur l’alliance de ceux-ci qu’il comptait, et sur leur coopération, pour venir à bout des Syracusains ou de leur tyran. La suite prouva bientôt que tel était en effet son dessein.

Les députés étaient à peine débarqués, que les Corinthiens, accoutumés de tout temps à protéger leurs colonies, et Syracuse entre toutes, et qui n’avaient alors, par bonheur, aucune affaire sur les bras dans la Grèce, et jouissaient d’une paix profonde et d’un plein loisir, décrétèrent sans balancer qu’on enverrait du secours. On s’occupait du choix d’un général, et les magistrats proposaient et faisaient valoir certains noms : c’étaient ceux des citoyens les plus ambitieux de se signaler ; un homme du peuple se leva, et nomma Timoléon, fils de Timodème[1]. Timoléon ne se mêlait plus des affaires publiques, et n’avait ni l’espérance d’un tel emploi, ni la prétention d’y parvenir ; ce fut quelque dieu, suivant toute apparence, qui avait inspiré cet homme : tant la Fortune fit éclater à l’instant même, par la résolution qui fut prise, la faveur qu’elle portait à Timoléon ; tant on vit dans la suite s’attacher aux actions du général une

  1. Diodore donne au père de Timoléon le nom de Timénète.