Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coula rapidement dans les conduits qu’on lui avait creusés.

Il en est toutefois qui prétendent qu’il n’y a point de réservoirs d’eau renfermés dans les lieux d’où les sources coulent, et que leur éruption ne vient pas de ce qu’on les a mises à nu et de ce qu’on leur a ouvert une issue : c’est une espèce de génération, suivant eux ; c’est le changement en eau, la condensation de la matière humide. Les vapeurs humides se changent en eau, disent-ils, par l’effet d’une condensation et de la fraîcheur, lorsque la pression qui agit sur elles, dans les lieux souterrains, leur imprime un cours rapide. C’est comme les mamelles des femmes : elles ne contiennent pas, à la manière des vases, un lait prêt à s’épancher ; elles convertissent la nourriture qu’elles reçoivent en un lait que la pression fait couler. De même les lieux frais et abondants en sources ne recèlent pas de l’eau dans le sein de la terre ; ils n’ont pas de bassins où soient en réserve des fontaines et des rivières toutes prêtes à couler par la première ouverture ; mais la pression que l’air et la vapeur y éprouvent les condense et les change en eau. Si les endroits où l’on creuse font sourdre l’eau avec plus d’abondance, c’est qu’ils sont sollicités par ce frottement, comme les mamelles des femmes, qui donnent leur lait quand on les suce ; la vapeur s’y change en eau et y devient fluide, tandis que partout où on laisse la terre oisive, il y a stérilité d’eau, faute de ce mouvement qui seul peut condenser les vapeurs. C’est cette doctrine qui a donné lieu aux sceptiques de dire qu’il n’y a point de sang dans les animaux ; qu’il ne s’y forme que quand ils sont blessés, parce qu’alors les esprits ou les chairs subissent un changement qui les fait fondre et les rend liquides. Mais ce qui détruit le principe, c’est l’expérience de ceux qui travaillent aux carrières et aux mines : ils trouvent, dans ces profondeurs, des rivières qui, au lieu de s’y former