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que ce n’était pas Philippe qui prenait les villes de la Grèce, mais l’or de Philippe. Alexandre, près de partir pour son expédition contre les Indiens, et voyant les Macédoniens traîner à grand’peine les lourds et embarrassants trésors conquis sur les Perses, mit le feu le premier aux équipages royaux, et détermina les autres à en faire autant, afin qu’ils marchassent à la guerre plus dispos et plus agiles, comme des gens débarrassés de leurs entraves. Persée, au contraire, qui couvrait d’or sa personne, ses enfants et son royaume, refusa de sacrifier à son salut une partie de ses richesses, et aima mieux être traîné, opulent captif, avec tout son or, et faire voir aux Romains combien il leur en avait mis en réserve. Ce ne fut point assez pour lui de manquer de parole aux Gaulois, et de les renvoyer : il avait engagé l’Illyrien Genthius à faire alliance avec lui, et à lui fournir des troupes, moyennant la somme de trois cents talents[1] ; il fit compter l’argent devant les envoyés de Genthius, qui scellèrent les sacs de leur sceau. Genthius alors, qui se croyait assuré de la somme qu’il avait demandée, commit une perfidie atroce : il fit saisir et emprisonner les députés que lui avaient envoyés les Romains. Mais Persée, jugeant qu’il n’était plus besoin de donner d’argent pour allumer la guerre, et que Genthius, par cette violation du droit des gens, avait fourni les gages d’une haine irréconciliable contre les Romains, et s’était jeté dans une guerre inévitable, frustra le malheureux de ses trois cents talents, et ne se mit nullement en peine, lorsque, peu de temps après, le préteur Lucius Anicius, vint avec une armée attaquer Genthius, et l’enleva de son royaume, lui, sa femme et ses enfants, comme des oiseaux de leur nid.

Paul Émile, arrivé en Macédoine pour faire la guerre

  1. Environ dix-huit cent mille francs de notre monnaie.