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en moi, pas de contrôle à mes démarches, ni en actions ni en paroles ; ce qu’il me faut, c’est qu’on exécute sans réplique tout ce que je croirai utile pour le succès de la guerre. Vous n’avez qu’à prétendre encore commander aux généraux, et vous vous rendrez plus ridicules dans vos expéditions que vous ne l’êtes aujourd’hui même. »

Il imprima, par ce discours, dans l’esprit des citoyens, un respect profond pour sa personne, et donna, pour l’avenir, les plus hautes espérances. Tout le monde se félicitait d’avoir écarté les flatteurs, et choisi pour général un homme plein de franchise et de sagesse : tant le peuple romain, pour devenir le maître de tous les peuples et le plus grand, se faisait lui-même l’esclave de la vertu et de l’honneur !

La navigation favorable et les facilités qu’éprouva Paul Émile dans sa traversée sont, suivant moi, l’œuvre de la Fortune, qui le rendit à son camp avec autant de promptitude que de sûreté. Mais je vois que ses succès, dans cette expédition, il les dut à son audacieuse intrépidité, à la sagesse de ses plans, au zèle que mirent ses amis à le seconder, à sa constance dans les dangers, enfin au choix qu’il sut faire des moyens les plus convenables : aussi ne saurais-je imputer ces glorieux exploits à ce bonheur qu’on vante si fort en lui, comme je pourrais le faire pour d’autres généraux ; à moins qu’on ne regarde comme un effet du bonheur de Paul Émile l’avarice de Persée, lequel renversa et détruisit, par sa vile passion pour l’argent, les glorieuses et grandes espérances que les Macédoniens avaient conçues de cette guerre.

Il était venu à Persée, sur sa demande, dix mille cavaliers bastarnes et autant de fantassins qui combattaient à leurs côtés, tous soldats mercenaires ; car ce sont gens qui ne savent ni labourer, ni naviguer, ni paître des troupeaux pour gagner leur vie : ils n’ont d’autre occupation