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cris, il se rendit à la fin. Dès qu’il parut parmi les candidats, on eût dit qu’il venait bien moins recevoir le commandement qu’apporter la victoire, et donner, dans sa soumission aux volontés du peuple, un gage certain du succès de la guerre. Tous l’accueillirent avec les démonstrations d’une pleine espérance et d’une vive satisfaction ; il fut nommé consul pour la seconde fois : on ne voulut pas que les provinces fussent, suivant l’usage, tirées au sort, et on lui décerna sur-le-champ la conduite de la guerre de Macédoine. On raconte que le jour même où il venait d’être choisi par le peuple tout entier pour aller combattre Persée, et où on l’avait reconduit par honneur jusqu’à sa maison, il trouva, en rentrant chez lui, sa fille Tertia, encore petite enfant, qui fondait en larmes. Il la prit entre ses bras, et lui demanda pourquoi ce grand chagrin. Tertia lui jeta les bras autour du cou, et le baisant : « Ne sais-tu pas, père, dit-elle, que Persée est mort ? » Elle parlait d’un petit chien qu’elle élevait, et à qui l’on avait donné ce nom. « Tant mieux, ma fille ! dit Paul Émile ; et j’accepte l’augure. » Voilà ce que l’orateur Cicéron rapporte dans son traité de la Divination[1].

Il était d’usage que les consuls désignés montassent à la tribune et fissent un discours au peuple, pour le remercier et lui témoigner leur reconnaissance. Paul Émile convoque l’assemblée, et s’adressant aux citoyens : « J’ai demandé mon premier consulat, dit-il, pour moi-même, comme un honneur dont j’avais besoin ; mais je n’accepte le second que parce que vous avez besoin d’un général ; ainsi donc je ne vous ai aucune obligation. Si vous croyez, ajouta-t-il, qu’un autre soit plus capable que moi de bien conduire cette guerre, je lui cède le commandement ; mais, si vous avez confiance

  1. Au livre I, 46.