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C’est d’ailleurs un point important de voir quels généraux ils ont eu à combattre l’un et l’autre. Ce ne fut qu’un jeu et une bagatelle, à mon sens, de vaincre dans un combat naval Antiochus, qui n’était que le pilote d’Alcibiade, et de tromper un Philoclès, ce harangueur des Athéniens,

Cet homme sans nom, à la langue affilée et tranchante[1] ;

adversaires que Mithridate n’eût pas daigné comparer à un de ses palefreniers, ni Marius à un de ses licteurs. Mais, pour ne pas nommer ici tous les princes, tous les consuls, tous les généraux, tous les démagogues contre lesquels Sylla eut à lutter, qui d’entre les Romains fut plus redoutable que Marius ? qui d’entre les rois plus puissant que Mithridate ? qui d’entre les chefs italiens plus belliqueux que Lamponius et Télésinus ? Sylla chassa le premier de Rome, soumit le second, et tua les deux autres.

Mais une chose me paraît au-dessus de tout le reste, c’est que, tandis que les succès de Lysandre furent toujours secondés par les efforts de Sparte, Sylla, banni de sa patrie, opprimé par la faction de ses ennemis, alors qu’on chassait sa femme de Rome, que sa maison était en proie aux flammes et que ses amis périssaient, livra bataille en Béotie à une multitude innombrable, s’exposa pour sa patrie aux plus grands périls, et dressa un trophée de victoire. Mithridate a beau lui offrir son alliance et le secours d’une puissante armée contre ses ennemis, il ne se montre à son égard ni plus doux ni plus facile ; bien plus, il ne lui répond, il ne lui prend la main qu’après l’avoir entendu déclarer hautement qu’il renonce à l’Asie, qu’il livrera ses vaisseaux, et restituera la Bithynie

  1. Vers tiré de quelque comédie perdue.