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Lysandre n’est point à comparer à Sylla. Il n’a gagné que deux batailles navales. J’ajouterai à ses exploits la prise d’Athènes, qui ne fut pas chose bien difficile en réalité, mais qui lui fit une grande réputation. Il y eut peut-être du malheur dans ce qui arriva en Béotie et auprès d’Haliarte ; mais ce fut une grande imprudence de n’avoir pas attendu la grande armée du roi, qui était sur le point d’arriver de Platée ; d’être allé mal à propos, par un mouvement de colère et d’ambition, donner tête baissée contre les murailles, et de s’être fait battre honteusement par des soldats tels quels, qui s’élancèrent de la ville à l’improviste. Il tomba frappé d’un coup mortel, non point comme Cléombrotus à Leuctres, vivement pressé par les ennemis, et faisant une vigoureuse résistance ; non point comme Cyrus[1] ; non point comme Épaminondas ramenant à l’ennemi ses troupes qui avaient plié, et assurant la victoire. Eux, ils périrent de la mort qui convenait à des rois et à des capitaines ; mais Lysandre s’aventura lui-même sans honneur, comme un simple soldat et un enfant perdu ; il justifia par son exemple la répugnance qu’avaient les anciens Spartiates à se battre contre des murailles : luttes où l’homme le plus brave peut être tué par le dernier des soldats ; que dis-je ? par un enfant, par une femme, comme Achille tomba, dit-on, sous les coups de Paris aux portes de Troie. Au contraire il ne serait pas aisé de nombrer seulement toutes les batailles livrées par Sylla, toutes les victoires qu’il a remportées, tous les milliers d’ennemis qu’il a renversés à terre. Il prit deux fois Rome elle-même ; il se rendit maître du Pirée, non par la famine, comme Lysandre, mais après plusieurs grands combats, après avoir chassé Archélaüs de la terre ferme, et l’avoir réduit à ses forces maritimes.

  1. Cyrus le Jeune, tué à Cunaxa.