Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/560

Cette page a été validée par deux contributeurs.

royale, c’étaient des hommes vicieux et de nul mérite. Le vice, pour être joint à la noblesse, n’en est pas moins infâme ; et la vertu tire son lustre non de la naissance, mais d’elle-même.

Ils commirent tous deux des injustices, l’un en faveur de ses amis, l’autre contre ses amis mêmes. Il est certain que presque toutes les fautes dont Lysandre se rendit coupable, il les commit dans l’intérêt de ceux qui lui étaient dévoués, et que ce fut pour les faire rois ou tyrans qu’il se souilla de tant de meurtres. Mais Sylla voulut, par envie, ôter à Pompée l’armée qu’il avait sous ses ordres, et à Dolabella le commandement de la flotte, qu’il lui avait donné lui-même. Il fit égorger sous ses yeux Lucrétius Ofella, qui demandait le consulat pour prix de plusieurs grands services qu’il lui avait rendus, imprimant dans tous les esprits l’horreur et l’effroi par le supplice de ses meilleurs amis. Leur conduite à l’égard des voluptés et des richesses montre encore mieux dans l’un l’homme fait pour commander, et dans l’autre un tyran. On ne voit pas que Lysandre, revêtu d’une si grande puissance et d’une autorité si absolue, se soit porté à aucun excès, à rien qui sentît les passions d’un jeune homme ; il évita au contraire, autant que personne, la juste application de ce proverbe :

Lions chez eux, renards en public ;


tant la vie qu’il mena fut toujours tempérante, véritablement laconienne, et conforme aux plus étroites prescriptions de la vertu ! Sylla s’abandonna sans mesure à ses passions, sans pouvoir être retenu ni dans sa jeunesse par la pauvreté, ni dans ses vieux jours par la faiblesse de l’âge. Au temps même où il promulguait dans Rome des lois sur le mariage et la continence, il passait sa vie dans les adultères et dans les amours infâmes. Aussi rendit-il Rome