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tions consulaires. Il n’approcha point du Comice ; il se tint tranquillement sur le Forum, confondu dans la foule, et livrant sa personne à quiconque eût voulu l’arrêter, et lui faire rendre compte de sa conduite.

On élut consul, contre son avis, un homme audacieux, et son ennemi déclaré, mais qui devait évidemment son élévation bien moins à son mérite personnel qu’à l’appui de Pompée, que le peuple voulait obliger. Aussi, comme Pompée s’en retournait tout glorieux de sa victoire, Sylla, qui l’aperçut, l’appela et lui dit : « Vraiment, jeune homme, je te félicite de ce chef-d’œuvre de politique : avoir fait nommer consul Lépidus, de préférence à Catulus ; à la place du plus sage des citoyens, le plus étourdi des hommes ! Mais tu n’as plus à t’endormir, car tu as donné des forces contre toi-même à un adversaire dangereux. » Cette parole de Sylla fut comme une prophétie ; car Lépidus ne tarda pas à signaler son audace, et à prendre les armes contre Pompée.

Sylla consacra à Hercule la dîme de tous ses biens, et donna au peuple des festins magnifiques. Il y eut une telle abondance ou plutôt une telle profusion de mets, que chaque jour on jetait dans le Tibre une quantité prodigieuse de viandes, et qu’on buvait du vin de quarante ans, et de plus vieux encore. Au milieu de ces réjouissances, qui durèrent plusieurs jours, Métella tomba malade et mourut. Pendant sa maladie, les prêtres défendirent à Sylla de la venir voir, et de souiller sa maison par des funérailles. Alors Sylla fit dresser un acte de divorce, qu’il lui signifia, et la fit transporter, encore vivante, dans une autre maison. Il s’était montré, par superstition, dans cette circonstance, observateur scrupuleux de la loi ; mais il viola celle qu’il avait portée lui-même pour borner la dépense des funérailles ; car il prodigua des sommes considérables à celles de Métella. Il trans-