Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/547

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phes, et qu’il portait dans son sein à toutes ses batailles ; et, en cette occasion, il la baisa affectueusement, en lui adressant ces paroles : « Apollon Pythien, toi qui as comblé d’honneurs et de gloire l’heureux Cornélius Sylla dans tant de batailles, voudrais-tu le renverser ici, aux portes mêmes de sa patrie, et le faire périr ignominieusement avec ses concitoyens ? » Et, tout en adressant au dieu cette prière, il se jette au milieu de ses soldats, employant tour à tour les supplications et les menaces, les voies de fait même pour les ramener au combat ; mais il ne put empêcher la défaite entière de l’aile gauche, et il fut lui-même entraîné dans son camp par les fuyards, après avoir perdu plusieurs de ses officiers et de ses amis.

Un grand nombre de Romains qui étaient sortis de la ville pour contempler la bataille, périrent et furent écrasés sous les pieds des hommes et des chevaux. Aussi semblait-il que c’en fût fait de Rome ; et peu s’en fallut que ceux qui tenaient Marius enfermé dans Préneste ne levassent le siège : des soldats, emportés jusqu’en ce lieu dans leur fuite, pressaient Lucrétius Ofella, qui commandait ce siège, de se retirer en toute hâte : « Sylla, disaient-ils, vient d’être tué, et Rome est au pouvoir des ennemis. ».

On était déjà fort avant dans la nuit, lorsqu’il arriva au camp de Sylla des courriers qui venaient, de la part de Crassus, demander à souper pour lui et pour ses soldats. Il avait battu les ennemis, annonçait-il ; on les avait poursuivis jusqu’à Antemna[1], et on avait campé devant cette ville. Sylla, sur cette nouvelle, et sur l’assurance que le plus grand nombre des ennemis avaient péri, partit le lendemain pour Antemna à la pointe du jour.

Il reçut en chemin des hérauts envoyés par trois mille hommes qui se rendaient à lui, et auxquels il promit de

  1. Ville du pays des Sabine.