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la bataille à Sylla. Sylla avait précisément une extrême envie de combattre ce jour-là même, car il avait eu la nuit précédente un songe qui était tel : Il lui avait semblé voir le vieux Marius, mort depuis plusieurs années, qui avertissait son fils de se garder du lendemain, parce qu’il devait lui apporter une grande infortune. C’est là ce qui rendait Sylla impatient de combattre. Il mande Dolabella, qui était campé au loin ; mais les ennemis étaient maîtres des chemins : ils lui bouchèrent le passage, et empêchèrent la jonction. Les troupes de Sylla voulurent les déloger, afin d’ouvrir la route à Dolabella. Harassés de fatigue, une forte pluie vint les achever, et leur ôta toutes leurs forces. Alors les officiers allèrent trouver Sylla, et, lui montrant les soldats abattus par la fatigue et couchés à terre sur leurs boucliers, ils le prièrent de différer la bataille. Sylla y consentit, quoiqu’à regret, et donna l’ordre de camper.

On commençait à jeter les retranchements et à creuser le fossé, lorsque Marius s’avança fièrement à cheval, jusqu’aux palissades, dans l’espérance de les surprendre en désordre et de les disperser facilement. La Fortune, à ce moment, vérifia le songe de Sylla. Les soldats, irrités des bravades de Marius, interrompent leurs travaux, plantent leurs piques sur le bord du fossé, mettent l’épée à la main, et fondent sur les ennemis en poussant le cri de guerre. Après une légère résistance les ennemis tournèrent le dos ; on en fit un grand carnage, et Marius s’enfuit à Préneste[1] : il en trouva les portes fermées ; mais on lui jeta du haut des murs une corde dont il se lia, et on le hissa sur la muraille. Quelques-uns disent, entre autres Fénestella[2], que Marius ne se trouva pas

  1. Ville du Latium, à l’est de Rome et au sud de Tibur.
  2. Historien presque contemporain, qui avait composé des Annales de l’histoire romaine, livre perdu.