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une trahison ! Comme si tu n’étais pas cet Archélaüs qui s’est enfui de Chéronée avec une poignée de soldats, reste de cent vingt mille hommes, et qui s’est caché pendant deux jours dans les marais d’Orchomène, laissant la Béotie jonchée de tant de cadavres, qu’on n’y saurait plus trouver de chemin ! »

Archélaüs, à cette réplique, changea de langage : il s’humilia devant Sylla, et le supplia de mettre fin a cette guerre et d’accorder la paix à Mithridate. Sylla consentit à sa demande, et le traité fut conclu aux conditions suivantes : Mithridate devait renoncer à l’Asie et à la Paphlagonie ; restituer la Bithynie à Nicomède, et la Cappadoce à Ariobarzane ; payer aux Romains deux mille talents[1] et leur livrer soixante-dix navires à proue d’airain, avec tout leur équipement. Sylla, de son côté, garantissait à Mithridate la possession de ses autres États, et lui accordait le titre d’allié du peuple romain.

Ces articles ainsi réglés, Sylla reprit son chemin vers l’Hellespont, par la Thessalie et la Macédoine, menant avec lui Archélaüs, qu’il traitait avec beaucoup de distinction. Archélaüs étant tombé malade à Larisse, Sylla suspendit la marche de l’armée, et eut pour lui les mêmes soins que si c’eût été un de ses lieutenants ou de ses collègues. Cette conduite fit calomnier sa bataille de Chéronée : on soupçonna qu’il n’avait pas combattu avec des armes loyales ; et ce qui fortifia ce soupçon, c’est qu’après avoir rendu tous les autres amis de Mithridate qu’il avait parmi ses prisonniers, il fit mourir par le poison le seul tyran Aristion, parce qu’il était l’ennemi d’Archélaüs ; ce fut surtout le don qu’il fit au Cappadocien de dix mille plèthres de terre dans l’Eubée, et le titre qu’il lui conféra d’ami et d’allié du peuple romain. Mais Sylla, dans ses Mémoires, se disculpe de ces imputations.

  1. Environ douze millions de francs.