Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/533

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

miner les Romains à force de temps, et par la dépense qu’ils auraient à faire. Cependant la plaine d’Orchomène où ils étaient campés, et qui était très-avantageusement disposée pour une armée supérieure en cavalerie, fit reprendre courage à Archélaüs. De toutes les plaines de la Béotie, la plus belle et la plus vaste est celle qui touche à la ville d’Orchomène. Elle est découverte et sans arbres, et s’étend jusqu’aux marais où se perd le fleuve Mêlas. Ce fleuve considérable, qui naît près des murs d’Orchomène, est la seule rivière de toute la Grèce qui soit navigable à sa source. Comme le Nil, il grossit vers le solstice d’été, et produit des plantes semblables à celles qui croissent sur les bords du fleuve d’Égypte, avec cette différence que celles du Mêlas ne portent point de fruits, et ne s’élèvent pas à une grande hauteur. Son cours n’est pas long ; la plus grande partie de ses eaux disparaît presque incontinent dans des marais couverts de broussailles épaisses, et le reste se mêle avec le Céphise, à l’endroit même où le marais produit les roseaux dont on fait les flûtes.

Quand les deux armées furent campées près l’une de l’autre, Archélaüs se tint en repos sans rien entreprendre ; mais Sylla fit tirer des tranchées en divers endroits de la plaine, afin d’ôter, s’il le pouvait, aux ennemis l’avantage que leur offrait un terrain si ferme et si propre aux mouvements de la cavalerie, et de les repousser du côté des marécages. Les Barbares ne le laissèrent pas continuer à son aise : au premier signal de leurs généraux, ils tombent sur les travailleurs de Sylla, impétueusement et tête baissée ; ils les dispersent, et mettent en fuite les troupes qui les soutenaient. Alors Sylla saute à bas de son cheval, et, saisissant une enseigne, pousse aux ennemis à travers les fuyards. « Romains, s’écrie-t-il, il me sera glorieux de mourir ici ; pour vous, quand on vous demandera où vous avez aban-