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de les mener au combat. Il répondit qu’il voyait dans leur demande bien moins le désir de marchera l’ennemi que le dégoût du travail. « Du reste, ajouta-t-il, si vous avez réellement la bonne volonté de combattre, vous n’avez qu’à prendre sur-le-champ vos armes, et à aller vous emparer de ce poste. » Il leur montrait de la main le lieu qu’occupait autrefois la citadelle des Parapotamiens[1], et qui, depuis que la ville avait été ruinée, n’était plus qu’une colline escarpée, couverte de rochers, et séparée du mont Édylium par la rivière d’Assus. L’Assus, au pied même de la colline, se joint au Céphise ; et la rapidité du cours d’eau formé par les deux fleuves faisait de cette élévation un poste très-sûr pour y asseoir un camp. Sylla, qui vit les chalcaspides[2] des ennemis s’élancer sur ce point, voulut les prévenir et se saisir le premier de la colline ; et il en vint à bout, par l’ardeur dont les soldats étaient animés.

Archélaüs, ayant manqué son coup, se tourna contre Chéronée : ceux des Chéronéens qui servaient dans l’armée de Sylla conjurèrent leur général de ne pas abandonner cette ville : il y envoya un tribun des soldats nommé Gabinius, avec une légion. Les Chéronéens accompagnèrent l’expédition ; mais, quelque désir qu’ils eussent d’arriver à Chéronée avant Gabinius, ils ne purent le devancer, tant il montra de dévouement dans cette circonstance, travaillant au salut de la ville avec un zèle plus ardent que ceux-là mêmes qui avaient besoin d’être sauvés. Juba nomme le tribun qui fut envoyé non pas Gabinius, mais Éricius. Quoi qu’il en soit, c’est ainsi que notre ville fut préservée d’un si grand danger.

  1. Sur les confins de la Béotie et de la Phocide. La ville et la citadelle des Parapotamiens avaient été détruites par Xerxès.
  2. Ce mot signifie armé d’un bouclier d’airain.