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auparavant serein, se couvrit tout à coup de nuages, et versa une pluie abondante, qui remplit d’eau l’Acropole. Sylla ne tarda point à se rendre maître du Pirée, qu’il livra presque tout entier aux flammes, sans épargner même l’arsenal de Philon[1], qui était un ouvrage admirable.

Cependant Taxillès, général de Mithridate, descendit de la Thrace et de la Macédoine avec une armée de cent mille hommes de pied, de dix mille chevaux et de quatre-vingt-dix chars armés de faulx, et fit dire à Archélaüs de se rapprocher de lui. Archélaüs était encore à l’ancre devant Munychia[2] : décidé à ne point s’éloigner de la mer, et n’osant pas se mesurer avec les Romains, il cherchait à traîner la guerre en longueur et à couper les vivres aux ennemis. Sylla, qui prévoyait ces résultats mieux encore qu’Archélaüs, quitta un pays maigre et qui n’aurait pu le nourrir en temps de paix, et passa dans la Béotie. Beaucoup néanmoins le taxèrent d’imprudence, quand ils le virent abandonner l’Attique, contrée montueuse et difficile aux gens de cheval, pour aller se jeter dans les plaines découvertes de la Béotie, lorsqu’il n’ignorait pas que la force des Barbares consistait surtout en chars et en cavalerie. Mais, comme je l’ai déjà dit, la crainte de la disette et de la famine le forçait de courir les risques d’une bataille ; il tremblait d’ailleurs pour Hortensius, général expérimenté, homme courageux et hardi, qui amenait de Thessalie un renfort à l’armée de Sylla, et que les Barbares attendaient au passage des défilés. Tels furent les divers motifs qui déterminèrent Sylla à passer dans la Béotie.

Mais Caphis, qui était de notre pays[3], trompa les Bar-

  1. Philon de Byzance, ingénieur et architecte du IIe siècle avant notre ère, dont il reste encore plusieurs traités concernant son art.
  2. Un des ports d’Athènes.
  3. On a vu qu’il était Phocéen.