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ou étaient incendiées par les feux continuels que lançaient les ennemis, il porta la main sur les bocages sacrés, et fit couper le parc de l’Académie, la plus belle promenade des faubourgs d’Athènes. Il traita de même le Lycée. Enfin, pour fournir aux frais immenses de cette guerre, il n’épargna pas même les plus inviolables temples de la Grèce. Il fit enlever d’Épidaure et d’Olympie les plus belles et les plus riches offrandes. Il écrivit aux Amphictyons, à Delphes ; qu’on ferait bien de lui envoyer les trésors du dieu ; qu’ils seraient plus sûrement entre ses mains ; ou que, s’il était forcé de s’en servir, il leur en rendrait la valeur. Il leur dépêcha un de ses amis, le Phocéen Caphis, avec ordre de peser tout ce qu’il prendrait.

Caphis, arrivé à Delphes, n’osait toucher à ces dépôts sacrés ; et, pressé par les instantes prières des Amphictyons, il fondit en larmes, déplorant la nécessité qui lui était imposée. Quelques-uns lui dirent alors qu’ils entendaient, au fond du sanctuaire, résonner la lyre d’Apollon ; et Caphis, soit qu’il le crût réellement, soit qu’il voulût jeter dans l’âme de Sylla une terreur religieuse, lui écrivit pour l’en avertir. Sylla fit une réponse moqueuse. Il s’étonnait, disait-il, que Caphis ne comprit pas que le chant était un signe de joie et non pas de colère. Aussi lui enjoignit-il de tout prendre sans crainte, alléguant que le dieu voyait avec plaisir enlever ses richesses et en faisait l’abandon.

Le vulgaire des Grecs ne s’aperçut pas du pillage ; quant aux Amphictyons, lorsqu’il fallut mettre en pièces le tonneau d’argent massif, reste des offrandes des rois, qui n’avait pu être transporté sur aucune voiture à cause de son poids et de sa grosseur, ils se remirent en mémoire la conduite de Titus Flamininus, de Manius Acilius et de Paul Émile : le premier, après avoir chassé Antiochus, les deux autres, après avoir vaincu les rois de Macédoine,