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Il reçut cependant quelque échec auprès de Chéronée. Brutius Sura, lieutenant de Sentius préteur de Macédoine, homme d’une grande hardiesse et d’une prudence consommée, arrêta court Archélaüs, qui, comme un torrent impétueux, s’était débordé dans la Béotie, le défit en trois rencontres près de Chéronée, le chassa de la Grèce, et le força de se borner à tenir la mer. Mais Lucius Lucullus enjoignit à Brutius de céder la place à Sylla, et de lui laisser le commandement de cette guerre, dont un décret du peuple l’avait chargé ; Brutius quitta sur-le-champ la Béotie, et se retira auprès de Sentius, quoiqu’il eût réussi dans cette expédition au delà de tout espoir, et que la Grèce, par l’estime qu’elle faisait de sa valeur, fût toute prête à résipiscence. Ce sont là, du reste, les plus brillants faits d’armes de Brutius.

Toutes les villes s’empressèrent de députer à Sylla, et de l’appeler dans leurs murs : Athènes seule, dominée par le tyran Aristion[1], resta dans le parti du roi. Sylla marcha contre elle avec toutes ses troupes, assiégea le Pirée, et mit en œuvre, durant ce siège, tout ce qu’il avait de machines de guerre, et donna vingt fois l’assaut. S’il eût attendu quelque temps, il se serait rendu, sans coup férir, maître de la ville haute, que le défaut de vivres avait réduite à la dernière extrémité ; mais, pressé de s’en retourner à Rome, où il craignait quelque nouveauté, il n’épargnait ni dangers, ni combats, ni dépenses, pour terminer promptement la guerre. Sans compter son équipage ordinaire, il avait, pour le service des machines, dix mille attelages de mulets qui travaillaient chaque jour sans aucun relâche ; et, comme le bois vint à manquer, parce que plusieurs des machines se brisaient sous le poids des fardeaux énormes qu’elles soulevaient,

  1. Aristion était un rhéteur et un sophiste assez habile, dont l’éloquence avait séduit ce peuple dégénéré.