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entreprit de casser ce que Sylla avait fait. Il intenta même un procès à Sylla, et le fit accuser par Virginius, un des tribuns du peuple. Mais lui, laissant là et l’accusateur et les tribuns, il partit pour aller faire la guerre à Mithridate.

On raconte que, vers le temps que Sylla fit voile d’Italie pour cette expédition, Mithridate, qui était alors à Pergame, reçut des dieux plusieurs avertissements, et entre autres celui-ci. Les Pergamiens avaient fait faire une statue de la Victoire qui portait dans sa main une couronne, et qui, par le moyen d’une machine, devait descendre sur la tête de Mithridate. Au moment où elle allait le couronner, la couronne tomba, et roula à terre parle théâtre. Cet accident jeta l’effroi parmi le peuple ; Mithridate se sentit tout découragé, quoique ses affaires lui eussent déjà réussi au delà de ses espérances. Il avait conquis l’Asie sur les Romains, chassé de leurs États les rois de Bithynie et de Cappadoce, et il vivait paisiblement à Pergame, distribuant à ses amis des richesses, des gouvernements et des tyrannies. De ses deux fils, l’un occupait les vastes contrées qui s’étendent depuis le Pont et le Bosphore jusqu’aux déserts des Palus-Méotides, et qui composaient l’ancien domaine de ses ancêtres ; le second, Ariarathe, à la tête d’une nombreuse armée, soumettait la Thrace et la Macédoine.

Ses généraux, avec des troupes considérables, travaillaient à d’autres conquêtes. Archélaüs, le plus distingué d’entre eux, commandait la flotte : maître de la mer presque sur tous les points, il subjuguait les Cyclades et toutes les îles situées en deçà de Malée[1] ; il s’emparait de l’Eubée elle-même. D’Athènes jusqu’en Thessalie il avait soulevé contre les Romains tous les peuples de la Grèce.

  1. Promontoire du Péloponnèse, entre les golfes Laconique et Argotique.