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Sylla, qui ne voyait dans le consulat qu’une dignité insignifiante, au prix de ses prétentions pour l’avenir, désirait ardemment d’être chargé de la guerre contre Mithridate. Il avait pour concurrent Marius ; l’ambition et la folie de la gloire, passions qui ne vieillissent jamais, faisaient oublier à Marius ses infirmités corporelles et son grand âge ; et celui qui n’avait pu mener jusqu’au bout les dernières expéditions d’Italie, brûlait de faire la guerre loin de Rome, et par delà les mers. Il profita de l’absence de Sylla, qui était retourné, à son camp terminer un reste d’affaires, pour tramer dans Rome cette sédition funeste, qui causa plus de maux aux Romains que toutes les guerres qu’ils avaient eu jusqu’alors à soutenir.

Les dieux l’annoncèrent par divers prodiges. Le feu prit spontanément au bois des piques qui soutenaient les enseignes, et l’on eut beaucoup de peine à l’éteindre. Trois corbeaux apportèrent dans la ville leurs petits ; et, après les avoir dévorés en présence de tout le monde, ils en remportèrent les restes dans leurs nids. Des souris ayant rongé de l’or consacré dans un temple, les gardiens de cet édifice sacré en prirent une dans une souricière, où elle fit cinq petits et en dévora trois. Mais le signe le plus frappant, c’est que, dans un ciel serein et sans nuages, on entendit une trompette qui rendait un son si aigu et si lugubre, que tous se sentirent éperdus et frissonnants à ce bruit terrible. Les devins d’Étrurie, consultés sur ce prodige, répondirent qu’il annonçait un nouvel âge qui changerait la face du monde. « En effet, disaient-ils, huit races d’hommes doivent remplir la durée des siècles, différant entre elles par leurs mœurs et leurs genres de vie. Dieu a marqué à chacune de ces races un temps préfix, limité par la période de la grande année ; et, lorsqu’une race finit et qu’il s’en élève une autre, le ciel ou la terre en donnent le signal