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dant la nuit. Il lui raconte que, lorsqu’il fut envoyé avec l’année romaine à la guerre sociale, il se fit, près de Laverna[1], une large fente dans la terre, et qu’il jaillit de cette ouverture un grand feu, dont la flamme monta resplendissante vers le ciel ; et que les devins, expliquant ce prodige, annoncèrent qu’un vaillant homme, d’une beauté admirable, parvenu à l’autorité souveraine, délivrerait Rome des troubles qui l’agitaient. « Cet homme, ajoute Sylla, c’était moi-même, parce que j’avais ce trait de beauté remarquable, que mes cheveux étaient blonds comme l’or ; et je puis sans rougir m’attribuer le nom de vaillant, après de si beaux et de si grands exploits. » Mais en voilà assez sur sa confiance en la divinité.

Il était, d’ailleurs, dans toute sa conduite, plein d’inégalités et de contradictions. Prendre beaucoup, donner davantage, combler d’honneurs sans raison, insulter sans motif, faire servilement la cour à ceux dont il avait besoin, traiter durement ceux qui avaient besoin de lui, telle était sa manière ; et l’on n’eût su dire s’il était de sa nature plus hautain que flatteur. Il portait cette inégalité jusque dans ses vengeances : condamnant aux plus cruels supplices pour les causes les plus légères, alors qu’il endurait patiemment les plus grandes injustices ; pardonnant facilement des offenses qui semblaient irrémédiables, alors qu’il punissait par la mort ou la confiscation des biens les moindres manquements et les plus insignifiants. On expliquerait peut-être ces contradictions, en disant que, cruel et vindicatif par caractère, il étouffait, par raison, son ressentiment, quand son intérêt l’exigeait. Dans cette guerre sociale en question, ses soldats ayant assommé à coups de bâton et à coups de pierres un de

  1. Probablement le temple et le bois consacrés a la déesse de ce nom sur la voie Salaria, ou bien encore la porte qui y conduisait.