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pour cela précipité de la roche Tarpéienne, lui reprocha qu’ils avaient habité longtemps dans la même maison, dont lui-même il louait le haut deux mille sesterces, et dont Sylla tenait le bas pour trois mille ; qu’ainsi la différence de leur fortune n’était jadis que de mille sesterces, qui font deux cent cinquante drachmes attiques[1]. Voilà ce qu’on rapporte du premier état de Sylla.

On peut juger de sa figure et de son air par les statues que nous avons de lui : quant à ses yeux, ils étaient pers, ardents et rudes ; et la couleur de son visage rendait encore son regard plus terrible. Elle était d’un rouge foncé, parsemé de taches blanches ; et c’est à raison de son teint qu’il reçut, dit-on, le surnom de Sylla[2]). Un plaisant d’Athènes, raillant à ce propos, fit le vers suivant :

Sylla est une mûre saupoudrée de farine.

Il n’est point hors de propos d’emprunter de pareils traits, quand il s’agit d’un homme qui était, à ce qu’on dit, d’un caractère si railleur, qu’étant encore jeune et peu connu il passait sa vie avec des mimes et des bouffons, partageant leur licence et leurs débauches. Après qu’il fut devenu le maître souverain, il rassemblait autour de lui tout ce qu’il y avait au théâtre de plus impudents farceurs, et passait les journées entières à boire, à faire avec eux assaut de raillerie, déshonorant sa vieillesse et la majesté du pouvoir, et sacrifiant souvent à la bassesse de ses goûts des objets qui réclamaient sans cesse tous ses soins. Dès qu’il s’était mis à table, il ne fallait plus lui parler d’affaires sérieuses : partout ailleurs plein

  1. Environ deux cent trente francs de notre monnaie.
  2. On ne sait pas sur quoi celle étymologie est fondée. Le nom de Sylla semble plutôt dériver de Sura, dont on a fait Surulla, et, par syncope, Sulla. Voyez Egger, Latini sermonis reliq., p. 111.