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SYLLA.


(De l’an 138 à l’an 78 avant J.-C)

Lucius Cornélius Sylla était de famille patricienne, comme qui dirait de race noble. On dit que Rufinus, un de ses ancêtres, parvint au consulat ; mais qu’il fut moins connu par cette élévation que par la flétrissure qui lui fut infligée : il fut convaincu de posséder plus de dix livres pesant de vaisselle d’argent, ce qui était une contravention à la loi ; et, pour ce fait, il fut chassé du Sénat. Ses descendants vécurent depuis dans l’obscurité, et Sylla lui-même fut élevé dans un état de fortune fort médiocre. Pendant sa jeunesse, il logeait à bail chez d’autres pour un faible loyer, comme on le lui reprocha dans la suite, lorsqu’il fut parvenu à une opulence pour laquelle on ne le trouvait pas né. Un jour, après la guerre d’Afrique, il se vantait lui-même et glorifiait ses exploits : « Comment serais-tu homme de bien, lui dit un des plus distingués citoyens et des plus honnêtes, toi qui, n’ayant rien hérité de ton père, possèdes une si considérable fortune ? » En effet, quoique les Romains eussent déjà dégénéré de la droiture et de la pureté de mœurs de leurs ancêtres, et qu’ils eussent ouvert leur cœur à l’amour du luxe et de la somptuosité, c’était néanmoins un égal opprobre, en ce temps-là, et de dissiper sa fortune et de ne pas conserver la pauvreté de ses pères. Plus tard, alors qu’il était déjà tout-puissant et qu’il faisait périr une foule de citoyens, un fils d’affranchi, qu’on soupçonnait de donner asile chez lui à un des proscrits, et qui allait être