Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/494

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient les premiers fourni aux Athéniens les moyens de recouvrer leur liberté, et de briser le joug des trente tyrans. Lysandre les avait établis, et les Lacédémoniens les avaient rendus encore plus puissants et plus redoutables, en décrétant que ceux qui s’étaient enfuis d’Athènes pourraient être pris partout où on les trouverait, et ramenés dans leur ville ; que quiconque y mettrait obstacle serait traité en ennemi de Sparte. Les Thébains répondirent à ce décret par un décret plein d’humanité, et digne des exploits d’Hercule et de Bacchus[1] : il portait que toute ville et toute maison serait ouverte dans la Béotie aux Athéniens qui viendraient y demander un asile ; que tout Thébain qui n’aurait pas prêté main-forte au fugitif qu’on emmenait, paierait un talent d’amende[2] ; que si quelqu’un passait par la Béotie pour porter des armes à Athènes contre les tyrans, pas un Thébain ne devait en rien voir, ni en rien entendre. Ils ne se bornèrent point à ces décrets si dignes de la Grèce et si pleins d’humanité : leurs actions ne démentirent point leurs édits ; car ce fut de Thèbes que partirent Thrasybule et les autres bannis, qui s’emparèrent de Phylé : les Thébains leur fournirent des armes et de l’argent, avec les moyens de commencer leur entreprise, et de la conclure dans un profond secret.

Tels sont les motifs qui déterminèrent Lysandre à se déclarer contre les Thébains. Enflammé d’un violent dépit qu’il ne savait plus dompter, et qu’irritait sa mélancolie de plus en plus aigrie par la vieillesse, il communiqua son ressentiment aux éphores, et leur persuada d’envoyer une garnison dans la Phocide : il fut chargé de cette expédition, et partit à la tête des troupes. Quelque temps après on envoya aussi le roi Pausanias,

  1. Hercule et Bacchus, suivant la tradition, étaient nés à Thèbes.
  2. Environ six mille francs de notre monnaie.