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Agésilas, tu t’entends très-bien à rabaisser tes amis. — Oui, répondit Agésilas, quand ils veulent être plus grands que moi ; mais ceux qui travaillent à augmenter ma puissance, il est juste aussi de les y faire participer. — Mais peut-être, Agésilas, on t’en a plus dit que je n’en ai fait. Au reste, à cause des étrangers qui ont les yeux sur nous, donne-moi, je te prie, dans ton armée, un poste et un rang où je te sois le moins suspect possible et le plus utile. »

À la suite de cette conversation, Lysandre fut envoyé dans l’Hellespont ; et, tout en conservant du ressentiment contre Agésilas, il remplit sa mission avec zèle. Il fomenta la défection du Perse Mithridate, qui avait à se plaindre de Pharnabaze, et l’amena à Agésilas : c’était un homme plein de courage, et qui avait sous ses ordres un corps de troupes considérable. C’est tout ce que Lysandre fit dans cette guerre ; peu de temps après il s’en retourna à Sparte avec peu d’honneur, toujours irrité contre Agésilas, haïssant plus que jamais le gouvernement, et résolu enfin d’exécuter sans délai le projet de réforme et les innovations qu’il avait conçus et préparés depuis longtemps.

Voici de quoi il s’agissait.

La plupart des Héraclides, qui, après s’être mêlés avec les Doriens, étaient rentrés dans le Péloponnèse, s’établirent à Sparte, où leur postérité devint très-florissante. Mais il ne suffisait pas d’être Héraclide pour être apte à succéder dans la royauté : deux maisons seules régnaient, celle des Eurytionides et celle des Agiades ; les autres branches, quoique sorties de la même tige, n’avaient, dans le gouvernement, aucun avantage sur les plus simples particuliers ; et les honneurs attachés à la vertu étaient également proposés à tous ceux qui étaient en état de les acquérir. Lysandre, qui était de la race, des Héraclides, ne se fut pas plutôt élevé, par ses ex-