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crainte et la loi ; quant aux âmes elles-mêmes, ils ne les fermèrent pas à l’admiration et au désir de l’argent ; au contraire, ils allumèrent chez tous les citoyens la soif de s’enrichir, en donnant à la richesse un caractère de noblesse et de grandeur. Au reste, nous avons blâmé dans un autre écrit les Lacédémoniens de leur conduite[1].

Lysandre employa le produit du butin à faire jeter en bronze sa statue et celles de tous les capitaines de navire : elles furent placées dans le temple de Delphes, avec deux étoiles d’or, qui désignaient les Dioscures, et qui disparurent peu de temps avant la bataille de Leuctres. Dans le trésor de Brasidas et des Acanthiens, il y avait une trirème faite d’or et d’ivoire, de deux coudées de long, que Cyrus avait envoyée à Lysandre, pour le féliciter de sa victoire. Alexandridès[2] de Delphes, rapporte que Lysandre avait mis pour son compte en dépôt, dans le temple, un talent d’argent, cinquante-deux mines et onze statères[3] : allégation qui ne s’accorde pas avec ce que tous les autres historiens disent de la pauvreté du personnage. Ce qu’il y a de certain, c’est que Lysandre, armé de la plus grande autorité que jamais Grec eût eue avant lui, se laissa aller à un faste et à une fierté qui dépassait encore ce qu’il possédait de puissance. Il fut le premier à qui, suivant l’historien Duris, les villes grecques dressèrent des autels et offrirent des sacrifices comme à un dieu ; il fut aussi le premier qui vit compo-

  1. Voyez la Vie de Lycurgue dans le premier volume.
  2. Cet Alexandrides ou, selon d’autres, Anaxandridès, avait fait un traité sur les offrandes du temple de Delphes.
  3. Le statère était une monnaie d’or, valant environ 18 fr. 65 c. de notre monnaie. La somme déposée par Lysandre, suivant Alexandridès, monterait, d’après l’évaluation la plus rigoureuse, à 10,584 fr 30 c.