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PAUL ÉMILE.


(De l’an 227 à l’an 158 avant J.-C.)

Quand je commençai à écrire ces Vies, ce fut pour faire plaisir à d’autres ; c’est pour l’amour de moi-même que je les continue aujourd’hui, et avec une prédilection particulière. L’histoire m’est comme un miroir où je porte les yeux, pour tâcher, autant qu’il est en moi, de régler ma vie et de la former sur les vertus des grands hommes. Rien ne ressemble plus à un commerce familier que la façon dont j’en use avec eux ; j’exerce tour à tour envers chacun d’eux une sorte d’hospitalité, en leur donnant place dans ces récits ; je les fixe près de moi, je contemple ce qu’ils ont eu de grand, et ce qu’ils étaient[1], et je choisis dans leurs belles actions celles qui méritent le plus d’être connues.

Grands dieux ! où trouver sujet de plus douces joies[2],


moyen plus efficace pour la réforme des mœurs ? Nous devons prier, dit Démocrite, qu’il se présente à nous des images favorables, et que l’air qui nous environne, nous en porte de convenables à notre nature et de bonnes, plutôt que de sinistres et n’ayant aucun rapport avec nous ; mais il n’a fait qu’introduire par là dans la philosophie une opinion fausse, source intarissable d’erreurs

  1. Iliade, XXIV, 629.
  2. C’est un vers ïambique tiré de quelque tragédie perdue, ou peut-être de quelque comédie.