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six oboles font la drachme, ainsi nommée parce que c’était tout ce que la main pouvait empoigner de brochettes[1].

Les amis de Lysandre combattirent le décret, et firent décider, à force d’instances, que ces trésors resteraient dans la ville, mais que l’argent qui était monnayé n’aurait cours que pour les affaires publiques, et que tout particulier qui serait trouvé en avoir serait puni de mort ; comme si Lycurgue avait craint l’argent monnayé, et non point l’avarice qu’il fait naître. Défendre aux particuliers d’avoir des espèces d’or et d’argent, c’était ôter à cette passion bien moins d’activité qu’on n’y en ajoutait en autorisant la ville à en faire usage ; leur commodité leur donnait plus de prix, et les faisait désirer davantage. Était-ce possible, en effet, que les particuliers méprisassent, comme inutile, une chose qui était publiquement estimée ? et chaque citoyen pouvait-il, dans ses propres affaires, n’attacher aucune valeur à ce qu’il voyait tant prisé, tant recherché pour les affaires publiques ? Mais la corruption des mœurs publiques a bien plus tôt fait de s’infiltrer dans la conduite des particuliers, que non pas les vices et les passions des particuliers de remplir les villes de dépravation et de crimes. Il est naturel, quand le tout se gâte, qu’il entraine avec lui ses parties vers la corruption ; au lieu que les affections vicieuses d’une seule partie peuvent recevoir des secours et des remèdes de celles qui sont encore saines. Les éphores, il est vrai, pour empêcher que l’argent monnayé n’entrât dans les mains des citoyens, y placèrent, pour sentinelles, la

  1. Le mot δραχμή, vient de δράσστω, saisir avec la main, et de δράξ, poignée.