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railles qui rendent les villes heureuses, Sparte devrait être la plus malheureuse de toutes les villes, puisqu’elle n’a point de murailles. »

Lysandre donc s’empara de tous les vaisseaux des Athéniens, à l’exception de douze, et prit possession de la ville le seize du mois Munychion[1], auquel jour les Athéniens avaient gagné sur les Barbares la bataille navale de Salamine. À peine entré dans Athènes, il proposa de changer la forme du gouvernement : les Athéniens s’y refusèrent, et témoignèrent vivement la répugnance que leur causait cette mesure. Alors Lysandre envoya dire au peuple qu’on avait manqué à la capitulation ; que les murailles étaient encore debout, et que les jours qu’on leur avait accordés pour les démolir étaient passés sans qu’on en eût rien fait ; qu’il allait assembler le conseil, pour décider de nouveau comment on les devait traiter après cette infraction aux articles de la première paix. Quelques-uns disent qu’il fut proposé réellement, dans le conseil des alliés, de réduire en servitude tous les Athéniens, et qu’un Thébain, nommé Érianthus, fut d’avis de raser la ville et de faire de son territoire un lieu de pâturage pour les troupeaux. L’assemblée fut suivie d’un festin où su trouvèrent tous les généraux, et pendant lequel un Phocéen chanta ces vers du premier chœur de l’Électre d’Euripide :

Ô fille d’Agamemnon, Électre, je suis venue
Vers ta demeure rustique[2].

À ce moment, tous les convives se sentirent atten-

  1. Partie de mars et d’avril.
  2. Électre, dans la pièce d’Euripide, est réduite à une condition presque servile ; sa mère Clytemnestre l’a mariée à un paysan, et l’a reléguée loin du palais, où sa présence eût été un perpétuel reproche aux assassins d’Agamemnon.