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de Mélos[1] et de Scione[2], après en avoir chassé les Athéniens.

Cependant, informé que les Athéniens étaient réduits à une extrême disette, il fit voile vers le Pirée, et força la ville de se rendre aux conditions qu’il lui plut d’imposer. Lysandre, si l’on en croit les Lacédémoniens, n’écrivit aux éphores que ces mots : « Athènes est prise. » Et les éphores lui répondirent : « Il suffit qu’Athènes soit prise. » Mais c’est un conte fait à plaisir pour donner plus de relief à la chose. La vérité est que le décret dressé par les éphores était conçu en ces termes : « Voici ce qu’ont ordonné les magistrats de Lacédémone : Vous démolirez le Pirée et les longues murailles[3] ; vous évacuerez toutes les villes, et vous vous renfermerez dans les bornes de votre territoire. Vous aurez la paix à ces conditions ; vous paierez ce qui sera jugé convenable ; vous rappellerez les bannis. Quant au nombre des vaisseaux que vous devez garder, vous vous conformerez à ce qui sera prescrit. » Les Athéniens acceptèrent cette scytale[4], d’après le conseil de Théramène, fils d’Agnon ; et, comme un jeune orateur athénien, nommé Cléomène, lui eut demandé, à cette occasion, s’il osait bien faire et dire le contraire de Thémistocle, en livrant aux Lacédémoniens des murailles que Thémistocle avait bâties malgré les Lacédémoniens : « Jeune homme, dit Théramène, je ne fais rien de contraire à ce qu’a fait Thémistocle ; car ces mêmes murailles qu’il a bâties pour le salut des citoyens, c’est aussi pour le salut des citoyens que nous allons les démolir. Si ce sont les mu-

  1. Dans l’île du même nom, une des Cyclades.
  2. Ville chalcidique dans la presqu’île de Pallène.
  3. On appelait ainsi les murailles qui unissaient le Pirée à la ville d’Athènes.
  4. Plutarque expliquera plus bas ce que c’était qu’une scytale.