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pompe[1] radote, ce me semble, lorsque, comparant les Lacédémoniens aux cabaretières, il dit qu’après avoir fait goûter aux Grecs le doux breuvage de la liberté, ils leur ont ensuite versé du vinaigre. Au contraire, le premier essai qu’ils firent de leur gouvernement ne fut que déboire et amertume ; car Lysandre ne laissa nulle part l’autorité aux mains du peuple, et il soumit les villes au petit nombre des nobles les plus audacieux et les plus violents.

Il lui suffit de peu de temps pour terminer toutes ces opérations ; et il dépêcha des courriers à Lacédémone, pour y annoncer qu’il allait arriver avec deux cents vaisseaux. Cependant il aborda sur la côte d’Attique, et se joignit aux rois de Sparte, Agis et Pausanias, dans l’espérance de se rendre bientôt maître d’Athènes. Mais la résistance des Athéniens le détermina à se rembarquer : il repassa en Asie, y abolit les gouvernements dans toutes les villes, y établit, à la place, des conseils de dix archontes, et condamna à la mort ou à l’exil une foule de citoyens. Il chassa tous les Samiens de leur patrie, et livra leurs villes aux bannis. Il enleva Sestos aux Athéniens ; et, ayant obligé tous les habitants d’en sortir, il donna la ville, avec son territoire, aux pilotes et aux céleustes[2] qui avaient servi sur la flotte. Ce fut la première circonstance où les Lacédémoniens le désavouèrent : ils rétablirent les Sestiens dans la possession de leur pays. Mais tous les autres Grecs virent avec plaisir d’autres actes de Lysandre : ainsi, quand il rendit aux Éginètes leur ville, dont ils avaient été bannis depuis si longtemps, et qu’il rappela dans leurs foyers les anciens habitants

  1. Il ne reste rien des pièces de ce poète.
  2. Les céleustes avaient inspection sur la préparation des vivres et leur distribution dans les vaisseaux ; ils animaient de la voix les soldats et les rameurs, soit pendant la route, soit au combat : de là le nom qu’ils portaient, car le mot κελεύω signifie exhorter.