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Le conseil ayant prononcé une sentence de mort contre les trois mille Athéniens, Lysandre appela Philoclès, l’un des généraux, et lui demanda à quelle peine il se condamnait lui-même, pour le décret qu’il avait fait prononcer à Athènes contre les prisonniers grecs. Philoclès, dont le malheur n’avait point abattu le courage : « N’accuse point, répondit-il, des gens qui n’ont point de juges, et profite de ta victoire pour traiter les vaincus comme tu serais traité toi-même si tu étais à notre place. » Puis, s’étant baigné et couvert d’un riche manteau, il marcha le premier au supplice, suivant le récit de Théophraste, et montra le chemin à ses concitoyens. Après cette exécution, Lysandre parcourut avec sa flotte les villes maritimes, obligeant tous les Athéniens qu’il y trouvait de se retirer dans Athènes, et leur déclarant qu’il ne ferait grâce à aucun de ceux qu’il surprendrait hors de leur ville, et qu’ils seraient tous égorgés. Il comptait, en les renfermant tous dans Athènes, affamer promptement la ville, afin qu’elle manquât de provisions pour soutenir le siège, et fût hors d’état de résister longtemps. À mesure qu’il passait dans les villes, il y détruisait la démocratie et les autres formes de gouvernement, et les remplaçait par un harmoste lacédémonien, et dix archontes tirés des associations qu’il avait fomentées dans chaque ville. Voilà comment il en usait avec toutes les villes, ennemies ou alliées, naviguant à loisir le long des côtes, et se préparant à lui-même, eût-on dit, une absolue domination sur toute la Grèce. Car ce n’était ni la noblesse ni la fortune qui le guidaient dans le choix des magistrats : il livrait les affaires à ses affiliés et à ses hôtes, et leur donnait tout pouvoir de punir et de récompenser à leur gré. Il assistait souvent au supplice des proscrits, chassait tous les ennemis de ceux qui lui étaient dévoués, et donnait aux Grecs un avant-goût peu agréable du gouvernement lacédémonien. Le poète comique Théo-