Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comparé à Callicratidas, qu’un homme sans foi et un sophiste, qui faisait de la ruse et de la duplicité les instruments favoris de ses succès militaires, ne tenant compte de la justice que lorsqu’elle favorisait ses intérêts, partout ailleurs n’estimant beau et honnête que ce qui était utile. Il ne croyait pas que la vérité fût en soi préférable au mensonge, et mesurait la valeur de l’un et de l’autre au profit qu’il en retirait. Quand on lui représentait que les descendants d’Hercule ne devaient pas faire la guerre à l’aide de la fraude, il se moquait de ces remontrances. « Partout, disait-il, où ne peut atteindre la peau du lion, il y faut coudre celle du renard. »

Sa conduite à Milet mit ce caractère dans tout son jour. Ses amis et ses hôtes, à qui il avait promis son appui pour détruire l’autorité du peuple et chasser leurs adversaires, ayant changé de sentiment et s’étant réconciliés avec leurs ennemis, Lysandre feignit en public une vive joie de cette réconciliation : on eût dit qu’il n’avait rien tant à cœur que de les fortifier dans leurs desseins ; mais, en particulier, il accablait ses amis d’injures, il les traitait de lâches et les excitait à se soulever contre le peuple. Quand il vit que la sédition commençait à éclater, il accourut comme pour les soutenir ; mais, à peine entré dans la ville, il s’emporta de paroles contre les premiers qu’il rencontra de ceux qui voulaient innover dans le gouvernement, et leur dit d’un ton sévère qu’ils eussent à le suivre, avec menace de les punir sévèrement ; pour leurs ennemis, au contraire, il leur recommandait d’avoir bon courage, les assurant qu’ils n’avaient rien à craindre tant qu’il serait au milieu d’eux. Ce n’était là qu’une ruse hypocrite : il voulait retenir dans la ville ceux du parti populaire qui avaient le plus de pouvoir, et les y faire périr. C’est en effet ce qui leur arriva : ceux qui se fièrent à sa parole furent tons égorgés. Androcli-