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pour supporter cet affront, il s’en retourne à Éphèse, chargeant de malédictions ceux qui, les premiers, s’étaient avilis jusqu’à se laisser insulter par des Barbares, et qui leur avaient appris à se faire de leurs richesses un privilège pour l’insolence. Il jura, devant ceux qui l’accompagnaient, que son premier soin, en arrivant à Sparte, serait de mettre tout en œuvre pour terminer les différends des Grecs, afin qu’ils devinssent redoutables aux Barbares, et n’eussent plus à mendier leurs secours pour se détruire les uns les autres. Mais Callicratidas, cet homme si digne de Lacédémone par la noblesse de ses sentiments, et comparable, par sa justice, sa grandeur d’âme et son courage, à tout ce qu’il y eut de plus grand dans la Grèce, fut bientôt après vaincu et lue dans un combat naval près des Arginuses[1].

Affaiblis par cette défaite, les alliés envoyèrent une députation à Sparte demander que Lysandre fût mis à la tête de la flotte, promettant de travailler avec plus d’ardeur que jamais au rétablissement des affaires si on le leur donnait pour chef. Cyrus y députa de son côté dans le même dessein. La loi ne permettait pas que le même homme fût deux fois amiral. Mais les Lacédémoniens, qui voulaient complaire au désir des alliés, conférèrent la dignité d’amiral à un certain Aracus, et firent partir avec lui Lysandre, sous le simple titre de lieutenant, mais revêtu en réalité d’une autorité absolue. Il fut accueilli avec des transports de joie par le grand nombre des hommes qui s’entremettaient des affaires publiques et qui avaient du crédit dans les villes : ils désiraient depuis longtemps son arrivée, dans l’espoir qu’il augmenterait leur autorité en détruisant les gouvernements populaires. Mais ceux qui préféraient des généraux de mœurs simples et d’inclinations généreuses ne voyaient dans Lysandre,

  1. Petites îles situées à peu de distance de Lesbos.