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Cependant Lysandre fait venir des villes d’Asie à Éphèse les hommes qu’il connaissait pour les plus courageux et les plus entreprenants ; il sème parmi eux les germes des changements, des innovations qui se réalisèrent plus tard par ses efforts dans le gouvernement des villes ; il les exhorte, il les anime à faire des ligues entre eux, et à prêter un œil attentif aux affaires ; leur promettant que, lorsqu’il aurait détruit la puissance des Athéniens, il ôterait partout la domination aux peuples, et les investirait, eux, du souverain pouvoir. Il leur donna, par des effets réels, des garants sûrs de ses promesses ; il enrichit ceux qui étaient devenus ses amis et ses hôtes ; il leur conféra des honneurs et des dignités, et se rendit, pour satisfaire leur cupidité, le complice de leurs injustices et de leurs déportements. Aussi, n’y en avait-il pas un seul qui ne fût tout dévoué à sa personne ; ils ne désiraient que lui, ils ne cherchaient qu’à lui complaire, assurés qu’ils étaient d’obtenir satisfaction à leurs plus ambitieux désirs, tant qu’il serait le maître.

Voilà pourquoi, dans les premiers temps, ils virent de fort mauvais œil Callicratidas, qui vint remplacer Lysandre dans le commandement de la flotte ; et, quand ils eurent reconnu, par expérience, que c’était l’homme le meilleur et le plus juste, ils furent encore plus mécontents de sa manière de gouverner simple, droite, et toute dorienne. Ils admiraient, il est vrai, sa vertu, mais de cette admiration qu’inspire la beauté d’une statue de héros ; mais ils regrettaient Lysandre, son zèle, son affection pour ses amis, et les avantages qu’on tirait de sa faveur. Aussi s’affligèrent-ils profondément quand il mit à la voile, et ne purent-ils retenir leurs larmes. Lysandre augmenta encore leur indisposition contre Callicratidas en renvoyant à Sardes ce qui restait de l’argent que Cyrus lui avait donné pour la paie des matelots, et en disant à Callicratidas d’aller lui-même le demander au