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gue : « La chevelure, disait-il, relève encore l’éclat de la beauté, et rend la laideur plus terrible[1]. »

On dit que le père de Lysandre, Aristoclitus, bien qu’il ne fût pas de la maison des rois, appartenait néanmoins à la race des Héraclides. Lysandre fut élevé dans la pauvreté, et se montra, autant que pas un autre, fidèle observateur des coutumes de la patrie. Son courage mâle, à l’épreuve de toutes les voluptés, ne connut d’autre plaisir que celui que donne l’estime publique, qui est le prix des belles actions. C’est une volupté à laquelle les jeunes gens de Sparte peuvent se laisser aller sans honte ; car ce que veulent les Spartiates, c’est que leurs enfants, dès l’âge le plus tendre, se montrent sensibles à la gloire, qu’ils s’affligent aux réprimandes, qu’ils s’enorgueillissent aux éloges. Celui qui reste insensible et immobile sous ce double aiguillon est méprisé comme un cœur lâche et sans émulation pour la vertu. Ce fut donc à l’éducation laconienne que Lysandre dut son ambition et sa passion pour la gloire ; car il ne faut pas en accuser la nature : ce qu’il tenait d’elle c’était, selon moi, ce penchant à flatter les puissants beaucoup plus qu’il ne convenait à un Spartiate, cette facilité à supporter, pour ses intérêts, le poids de leur orgueil : qualités qui constituent, suivant quelques-uns, une importante partie de la science politique.

Aristote, émettant cette opinion, que les grandes natures sont mélancoliques[2], ainsi Socrate, Platon, Hercule, rapporte que Lysandre, non pas tout d’abord, mais en approchant de la vieillesse, tomba dans la mélancolie.

Une particularité le distingue entre tous : c’est que lui qui supportait si noblement la pauvreté, et qui ne s’était jamais laissé vaincre ni corrompre par l’argent, il

  1. Voyez la Vie de Lycurgue dans le premier volume.
  2. Dans les Problèmes, section XXX.