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la force de leurs armes et par la vigueur des combattants, mais par l’audace et l’habileté étonnante que déployèrent leurs chefs, dignes rivaux des généraux de Rome[1].

Cette guerre, si féconde en événements divers, et si variée dans ses succès, acquit à Sylla autant de crédit et de réputation qu’elle en fit perdre à Marius. On ne voyait chez celui-ci que lenteur dans les attaques, nonchalance et irrésolution en toutes choses, soit que la vieillesse eût éteint en lui l’activité ou la chaleur, car il avait alors plus de soixante-cinq ans, soit que, comme il le disait, souffrant d’une maladie de nerfs et de douleurs dans tous les membres, il fît, par amour-propre, plus que ses forces ne le lui permettaient. Toutefois il gagna une grande bataille dans laquelle il tua aux ennemis six mille hommes ; et il ne leur donna jamais prise sur lui. Enfermé par eux, environné de leurs retranchements, leurs cris et leurs défis ne furent point capables de le mettre en colère. On rapporte que Popédius Silo, celui des capitaines ennemis qui avait le plus d’autorité et de considération, lui disait : « Marius, si tu es un si grand général, descends donc et viens combattre. — Et toi donc, répondit Marius, si tu es un si grand général, force-moi de te livrer bataille malgré moi. » Une autre fois les ennemis lui donnèrent encore l’occasion de les charger, mais les Romains montrèrent de la crainte. Lorsque les deux partis se furent séparés, il appela ses troupes au conseil : « Je ne sais, leur dit-il, qui je dois appeler les plus lâches de vos ennemis ou de vous ; ni eux n’ont osé regarder votre dos, ni vous leur nuque. » À la fin, il abandonna le commandement, parce que la faiblesse de son corps le mettait hors d’état d’agir de sa personne.

Cependant la guerre d’Italie touchait à sa fin ; plusieurs briguaient à Rome, par l’organe des démagogues

  1. Voyez la Vie de Sylla dans ce volume.