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ractère, et se tint prêt à tout souffrir plutôt que de rien faire de honteux. Il s’en alla de l’assemblée conversant avec ceux qui l’accompagnaient : « Faire une mauvaise action est blâmable, dit-il ; en faire une belle, mais sans danger, c’est chose commune ; c’est le propre de l’homme vertueux de faire le bien quand il y a danger à le faire. » À l’instant même Saturninus décréta que les consuls feraient publier par les hérauts que le feu, l’eau et le couvert étaient interdits à Métellus. La plus vile populace s’offrait pour le tuer, mais les plus gens de bien accouraient indignés à son aide. Métellus ne voulut pas causer une sédition : il s’éloigna de Rome en faisant ce sage raisonnement : « Ou bien les temps deviendront meilleurs, et je reviendrai rappelé par le peuple repentant ; ou bien les choses demeureront dans le même état, et alors il vaudra mieux en être loin. » Quels témoignages de bienveillance et de respect Métellus reçut dans son exil, et comment il passa ce temps à Rhodes, dans l’étude de la philosophie, c’est ce qui sera le plus convenablement rapporté dans sa Vie[1].

Cependant Marius se vit dans la nécessité de permettre à Saturninus, en échange de ce service, de se livrer à tous les emportements, et d’abuser de sa puissance ; il en avait fait, sans le savoir, un fléau insupportable, et cet homme marchait droit à la tyrannie et au renversement de l’État, par la force des armes et par les meurtres. Marius donc, qui craignait les grands et caressait la multitude, fit l’action du dernier des lâches et des fourbes. Les principaux citoyens s’étaient rendus un soir chez lui, et lui conseillaient d’agir contre Saturninus ; il avait reçu en même temps celui-ci par une autre porte, sans qu’ils en sussent rien ; et, prétextant avec lui et avec les autres qu’il

  1. On ne sait pas si Plutarque écrivit la Vie de Métellus ; en tout cas celle Vie n’existe plus.