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Son cinquième consulat passa donc ; et il aspira au sixième avec plus d’ardeur que jamais personne n’en brigua un premier, cherchant à gagner le peuple par des caresses, cédant à tous les caprices de la multitude, faisant fléchir la hauteur et la majesté des fonctions publiques qu’il remplissait, je dis plus, la fierté même de son propre caractère, et jouant l’affable et le populaire, quand il ne l’était nullement de sa nature. On dit que dans l’administration civile et en présence des agitations de la foule, l’amour de la réputation le rendait timide ; la fermeté et l’intrépidité qu’il montrait dans les batailles l’abandonnaient dans les assemblées publiques, où le moindre mot de louange ou de blâme le mettait hors de lui. Toutefois on rapporte qu’il donna le droit de cité tout d’une fois à mille hommes de Caméries[1], parce qu’ils s’étaient distingués à la guerre ; ce qui était contraire à la loi ; et, comme on lui en fit des reproches : « Le bruit des armes, répliqua-t-il, ne m’a point permis d’entendre la loi. » Il est vrai pourtant que les clameurs des assemblées civiles le troublaient et l’effrayaient. À la guerre, il avait la dignité et l’autorité convenables, parce qu’il sentait le besoin qu’on avait de lui ; mais, dans l’administration civile, il perdait sa supériorité, et alors il avait recours à la bienveillance et à la faveur de la multitude, sacrifiant au plaisir d’être le plus grand, celui d’être le meilleur. Il offensa tous les hommes de l’aristocratie ; mais il n’y en avait pas un qui lui fût aussi antipathique que Métellus : il l’avait outragé par son ingratitude ; et c’était un homme naturellement et sincèrement ennemi de tous ceux qui s’insinuaient dans les bonnes grâces du peuple par des moyens honteux, et qui dans leurs actes publics ne s’étudiaient qu’à lui plaire. Marius médita

  1. Aujourd’hui Camérino dans la marche d’Ancône, au pied de l’Apennin.