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poursuivre. Dans le même temps l’infanterie des Barbares se mettait en mouvement comme les flots d’une mer immense. Alors Marius se lava les mains, les éleva vers le ciel, et promit aux dieux une hécatombe ; Catulus, élevant de même les mains au ciel, fit vœu de bâtir un temple à la Fortune de ce jour[1]. On dit que Marius, ayant offert un sacrifice, et voyant les entrailles qu’on lui présentait, s’écria à haute voix : « La victoire est à moi ! » Cependant, au moment de la charge, il survint un accident qui était, au rapport de Sylla, une vengeance divine contre Marius. Il s’éleva, comme cela ne pouvait manquer, un immense nuage de poussière, tellement que les deux armées se perdirent de vue ; et Marius, entraînant après lui la sienne dans la direction par où il avait d’abord suivi les ennemis, les manqua, et, passant à côté de leur infanterie, il erra longtemps par la plaine. Pendant ce temps-là, le hasard porta les Barbares sur Catulus, et c’est lui qui soutint tout leur effort, seul avec ses troupes, dans lesquelles Sylla dit qu’il se trouvait. Les Romains furent secondés par la chaleur, et le soleil qui donnait dans les yeux des Cimbres. Forts contre le froid, nourris dans des climats sans soleil, dit-on, et glacés, ils étaient sans énergie pour lutter contre la chaleur ; haletants et le corps inondé de sueur, ils se mettaient leurs boucliers devant le visage ; car la bataille se livra après le solstice d’été, trois jours avant la néoménie du mois que les Romains appellent maintenant auguste, et qu’ils appelaient alors sextilis[2]. Ce qui servit aussi à

  1. Ce temple fut en effet bâti, et dédié sous ce nom-là même : À la fortune de ce jour.
  2. Le jour de cette bataille est par conséquent le 30 juillet. Plutarque appelle néoménie, malgré l’impropriété du terme, puisque l’année romaine n’était pas une année lunaire, ce que les Romains appelaient calende, c’est-à-dire le premier jour du mois. C’était en l’an 101 avant J.-C.