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saient qu’à son arrivée il triompherait, et le sénat s’empressa de lui décerner cet honneur ; pour lui, il ne jugea pas convenable d’accepter, soit pour ne pas priver de leur part du triomphe ses soldats et ses compagnons de guerre, soit pour inspirer au peuple plus de confiance dans le présent, en laissant la gloire des premiers succès en dépôt entre les mains de la fortune de Rome, qui devait la lui rendre plus brillante encore par une seconde victoire. Il fit ensuite une harangue convenable aux circonstances, et partit pour joindre Catulus, dont il releva le courage par sa présence. Ensuite il fit venir de la Gaule sa propre armée, et, aussitôt qu’elle fut arrivée, il passa l’Éridan[1], et il essaya de fermer aux Barbares l’Italie en deçà de ce fleuve. Ceux-ci attendaient les Teutons, et ils s’étonnaient, disaient-ils, de leur retard ; c’est pour cela qu’ils différaient la bataille ; sans doute ils ignoraient réellement la destruction de leurs alliés, ou bien ils voulaient paraître ne pas y croire. En effet, ils traitaient outrageusement ceux qui leur en apportaient la nouvelle ; et ils envoyèrent même demander à Marius, pour eux-mêmes et pour leurs frères, des terres et des villes suffisantes pour qu’ils pussent s’y établir. « De quels frères voulez-vous parler ? » demanda Marius aux envoyés. Et ceux-ci ayant nommé les Teutons, tous se mirent à rire, et Marius reprit d’un ton railleur : « Laissez donc la vos frères ; ils ont de la terre, et qu’ils auront toujours ; nous leur en avons donné. » Les envoyés comprirent la raillerie, et s’emportèrent en insultes et en menaces, déclarant qu’il serait puni de ce mot tout à l’heure par les Cimbres, et ensuite par les Teutons, dès qu’ils seraient arrivés. « Hé bien, ils sont ici ! » reprit Marius ; et il ne serait pas beau à vous de vous retirer avant

  1. L’Éridan ou Padus, aujourd’hui le Pô, le plus grand fleuve de l’Italie.