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témoignaient leur plaisir par leurs applaudissements en frappant sur leurs armes, et en poussant leur cri militaire ; les officiers offrirent de nouveau à Marius des couronnes de laurier : ensuite il mit le feu au bûcher, et consomma le sacrifice.

Mais cette puissance qui ne laisse jamais pure et sans mélange la joie des grands succès, et qui diversifie la vie humaine par le mélange des biens et des maux, qu’on l’appelle Fortune, destin jaloux, ou loi naturelle et inévitable des choses, apporta peu de jours après à Marius la nouvelle du désastre de Catulus, son collègue : amassant sur Rome un autre sujet d’épouvante, et comme un autre nuage et un ouragan au sein du calme et de la sérénité. Catulus, qui avait à faire tête aux Cimbres, renonça à garder les passages des Alpes, dans la crainte de s’affaiblir, parce qu’il était obligé pour cela de diviser son armée en plusieurs corps. Il descendit dans l’Italie, et, mettant devant lui le fleuve Atison[1], il en défendit le passage en établissant de bons retranchements sur les deux rives, et il jeta un pont sur le fleuve, afin de pouvoir se porter au secours des points situés de l’autre côté, si les Barbares venaient par les défilés attaquer ses postes. Mais ceux-ci avaient un tel mépris pour leurs ennemis, et les bravaient si ouvertement, que, pour faire montre de leur force et de leur audace, et sans nécessité aucune, ils se laissaient, tout nus, mouiller par la neige qui tombait ; ils gravissaient à travers les glaces et les neiges épaisses qui couvraient la cime des rochers, et de là s’élançaient, assis sur leurs larges boucliers, et descendaient glissant sur la pente rapide, le long des précipices béants autour d’eux. Lorsqu’ils eurent établi leur camp sur la

  1. Les Latins le nommaient Athesis ; c’est aujourd’hui l’Adige, fleuve qui tient au Pô par diverses branches, et se jette comme lui dans la mer Adriatique.