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Barbares qui n’avaient pas souffert de cet échec ; à leurs cris se mêlaient les cris de douleur de ceux des Ambrons qui avaient échappé ; et on eût dit non pas des pleurs et des gémissements humains, mais des hurlements sauvages, des rugissements mêlés de menaces et de lamentations : les cris de cette multitude immense faisaient retentir les montagnes d’alentour et les gorges où coulait le fleuve ; et la plaine mugissait au loin de ce bruit épouvantable. Aussi les Romains étaient-ils dans la crainte ; et Marius lui-même n’était pas sans trouble, parce qu’il s’attendait à un combat de nuit, qui ne pourrait être sans désordre et sans confusion. Ils n’attaquèrent pourtant ni cette nuit-là ni le lendemain, occupés qu’ils étaient à se préparer et à se mettre en bataille.

Il y avait au-dessus de la position occupée par les Barbares des creux profonds et des ravins tout couverts de bois. Marius envoya sur ces entrefaites Claudius Marcellus s’y poster sans bruit en embuscade avec trois mille hommes de pied, pour qu’il les prit en queue quand le combat serait engagé ; le reste de l’armée soupa de bonne heure, et se livra au repos. Quand le jour parut, Marius fit sortir ses troupes, les rangea devant son camp, et lança la cavalerie dans la plaine. À cette vue, les Teutons, sans attendre qu’ils fussent descendus dans la plaine, où eux-mêmes auraient pu combattre les Romains sans désavantage, s’arment à la hâte et avec colère, et se ruent vers la colline. Marius envoya aussitôt de tous côtés par ses officiers l’ordre de faire halte, et de recevoir leur choc ; de lancer les javelots lorsqu’ils seraient à portée du trait, puis démettre l’épée à la main, et de les repousser en les heurtant du bouclier : le terrain sur lequel seraient alors les Barbares étant glissant, ni leurs coups ne pourraient avoir de force ni leur ordonnance se maintenir ; parce que leurs corps, sur ce terrain inégal, ne