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Les soldats, quoique mécontents, obéirent ; mais les valets de l’armée n’ayant point d’eau, ni pour eux-mêmes ni pour leurs bêtes de somme, descendirent en foule vers le fleuve, emportant qui des cognées, qui des haches, qui des épées, qui des piques, avec leurs cruches, et décidés à se procurer de l’eau même en livrant combat. Ils ne furent attaqués d’abord que par un petit nombre d’ennemis, parce que la plupart étaient à prendre leur repos après le bain, ou à se baigner. Il jaillit dans cet endroit des sources d’eaux chaudes, et une bonne partie des Barbares s’y livraient au plaisir, savourant les délices et l’enchantement de ces lieux, lorsque survinrent les Romains. Aux cris des combattants, ils accourent plus nombreux ; et il était alors difficile à Marius de contenir plus longtemps ses gens, qui craignaient pour leurs valets. Le corps le plus belliqueux de l’armée ennemie, celui qui avait vaincu les Romains commandés par Manlius et Cépion (on les appelait Ambrons, et ils formaient à eux seuls un corps de trente mille hommes), s’élança d’abord sur pied et courut aux armes. Appesantis par l’excès de la bonne chère, mais plus résolus et plus fiers que jamais, égayés d’ailleurs par le vin qu’ils venaient de boire, ils s’avançaient non pas en courant sans ordre et furibonds, et en poussant une clameur confuse, mais frappant leurs armes en cadence, bondissant tous en mesure, et répétant souvent leur nom : Ambrons ! soit pour s’appeler les uns les autres, soit pour effrayer l’ennemi en se faisant reconnaître. Ceux des Italiens qui descendirent les premiers contre eux furent les Liguriens. Lorsqu’ils eurent entendu ce cri et qu’ils l’eurent compris distinctement, ils répondirent par le même cri, comme étant de tout temps leur nom, car les Liguriens appellent leur race du nom général d’Ambrons. On répéta et on se renvoya souvent ce cri de part et d’autre avant d’en venir aux mains, et de chaque côté les chefs