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étroits et dangereux ; les convois ne pouvaient entrer dans le lit du fleuve qu’avec beaucoup de peine : Marius dirigea sur ce point son armée, qui était dans l’inaction ; il creusa un grand canal, où il détourna une grande partie des eaux du fleuve, et qui aboutissait à l’endroit le plus favorable du rivage, se déchargeant dans la mer par une embouchure profonde, capable de recevoir de grands bâtiments, sur un lit égal et plat, et sans aucun choc ni courant. Ce canal conserve encore aujourd’hui le nom de fosse Mariane.

Cependant les Barbares s’étaient divisés en deux bandes : les Cimbres devaient marcher sur Catulus, par la Norique supérieure, et forcer le passage de ce côté ; les Teutons et les Ambrons devaient s’avancer contre Marius à travers la Ligurie, le long de la mer. Les Cimbres mirent plus de lenteur et plus de temps ; les Teutons et les Ambrons partirent sans différer, et ils eurent bientôt franchi l’espace qui les séparait de l’ennemi. Alors apparut leur multitude innombrable ; leur aspect était effrayant ; leurs voix et leurs clameurs mêmes ne tenaient en rien de celles des autres hommes. Ils s’étendirent au loin dans la plaine, y assirent leur camp, et provoquèrent Marius au combat.

Marius ne s’émut point de leurs bravades, et maintint ses troupes en dedans des retranchements, tançant ouvertement ceux qui se montraient téméraires, qui, emportés d’une ardeur trop vive, voulaient se jeter tête baissée dans le danger et livrer bataille, et les appelant traîtres à la patrie. « L’objet où doit viser notre ambition, disait-il, ce ne sont pas des triomphes, des trophées, c’est le moyen de sauver l’Italie, en repoussant cette nuée d’ennemis, cet ouragan qui la menace. » Tel était le langage qu’il tenait en particulier aux chefs de corps, aux principaux officiers ; quant aux soldats, il les plaçait par bandes tour à tour sur les retranchements, et leur