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en avoir chassé les Étrusques. Ils n’avaient aucun commerce avec les autres peuples ; ils avaient parcouru, depuis leur départ, une immense étendue de pays : aussi ne savait-on quels hommes c’était, ni d’où ils venaient fondre comme une nuée sur la Gaule et l’Italie. Ce que l’on conjecturait le plus généralement, c’est qu’ils étaient un des peuples germains qui habitent les côtes de l’Océan boréal, à cause de leur haute stature et de leurs yeux pers, et parce que les Germains donnent aux brigands le nom de Cimbres. Il y en a aussi qui disent que la Celtique, par la profondeur et l’étendue de ses plaines, court de la mer extérieure et des climats hyperboréens vers l’Orient, jusqu’aux Palus Méotides, et qu’elle touche à la Scythie pontique ; que de là est venu le mélange des peuples de ces deux pays ; qu’ils partaient, non pas tous ensemble ni par émigrations continues, mais au printemps de chaque année ; et que, marchant toujours en avant, et s’ouvrant un passage par la force des armes, ils avaient fini, avec le temps, par s’étendre sur tout le continent européen. Aussi, quoiqu’on leur donnât plusieurs noms, qui étaient particuliers à chacune de leurs peuplades, on désignait leur masse entière par le nom général de Celto-Scythes. D’autres disent que ce n’était qu’une petite portion des Cimmériens, jadis connus des anciens Grecs, une tribu ou une faction qui, forcée par les Scythes de quitter le pays, passa de la Méotide en Asie, sous la conduite de Lygdamis. La plupart d’entre eux, et les plus belliqueux, demeuraient aux extrémités du monde, sur le littoral de la mer extérieure. C’est une terre triste à habiter, sombre, couverte de bois, à peine éclairée par le soleil à cause de la profondeur et de l’épaisseur des forêts, qui se prolongent jusqu’à la forêt Hercynienne[1]. Cette terre se trouve sous la partie du ciel où

  1. La forêt Hercynienne couvrait autrefois presque toute la Gaule septentrionale et la plus grande partie de la Germanie. Il fallait, au rapport des anciens géographes, soixante jours pour la traverser.