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tre Marius ; et Sylla se fit faire un anneau, sur lequel il portait gravée l’image de Jugurtha livré par Bocchus à lui, Sylla. Il ne se servit plus désormais d’autre sceau, irritant par là Marius, homme ambitieux et jaloux, et qui ne voulait aucun partage dans la gloire. Et ce qui animait Sylla, c’était surtout le langage des ennemis de Marius, qui attribuaient les premiers et les plus grands succès de cette guerre à Métellus, les derniers et la fin de la guerre même à Sylla, dans le dessein de mettre un terme à l’admiration et à l’attachement que le peuple portait à Marius, entre tous les autres capitaines.

Mais bientôt ces jalousies, ces haines, ces récriminations, dont Marius était l’objet, furent dissipées et réprimées par le danger qui menaça l’Italie du côté de l’Occident, et qui fit sentir à la république le besoin d’un grand général. Elle cherchait des yeux quel pilote saurait diriger et sauver l’État dans une telle tourmente ; mais pas un homme des familles nobles et riches n’osait s’en charger ; pas un d’eux ne se présentait aux élections consulaires ; Marius était absent : c’est lui cependant que l’on élut. À peine avait-on annoncé à Rome la prise de Jugurtha, qu’arriva la nouvelle de l’immigration des Teutons et des Cimbres. D’abord on ne crut pas à ce qui se disait du nombre et de la force de l’armée envahissante ; mais ensuite on trouva ces bruits au-dessous de la réalité. Ils venaient au nombre de trois cent mille combattants armés, et traînaient avec eux, disait-on, une foule bien plus grande encore d’enfants et de femmes ; ils demandaient des terres pour nourrir cette immense multitude, des villes dans lesquelles ils pussent s’établir et vivre, comme ils entendaient dire qu’avant eux les Celtes avaient occupé la meilleure partie de l’Italie[1], après

  1. Celle que les Romains ont appelée depuis ce temps la Gaule cisalpine.