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nom que les Romains donnent aux protecteurs d’une famille), et que les parents de Marius et Marius lui-même avaient toujours été les clients de la maison des Hérennius. Les juges admirent cette excuse ; mais Marius répondit à Hérennius que, du moment qu’il avait été élu à une magistrature, il était sorti de clientèle. Ce qui n’était pas tout à fait vrai ; car toute magistrature n’a pas le privilège d’affranchir de leurs devoirs envers le patron, ceux qui l’ont obtenue, non plus que leur famille, mais celles-là seulement auxquelles la loi accorde la chaise curule. Dans les premiers jours du jugement toutefois, l’affaire de Marius allait mal ; les juges se montraient fort indisposés ; le dernier jour, contre toute attente, il échappa à une condamnation, parce que les suffrages s’étaient partagés également.

Il ne fit rien dans sa préture qui lui attirât de bien grands éloges ; mais, après qu’il fut sorti de charge, le sort lui assigna pour province l’Espagne ultérieure[1] ; et l’on rapporte qu’il purgea de brigands sa province, dont les mœurs étaient encore barbares et sauvages, car les Ibériens n’avaient pas encore cessé, jusqu’alors, de regarder le brigandage comme la plus belle chose du monde. Il avait abordé la carrière politique dépourvu de fortune et d’éloquence, deux sources de popularité où puisaient les personnages les plus distingués de ce temps. Mais l’élévation de ses sentiments, son ardeur infatigable, sa vie toute populaire, le recommandaient aux yeux de ses concitoyens : par là il croissait en considération, puis en autorité. Ainsi il fit un mariage brillant en épousant Julie, de l’illustre maison des Césars, et tante de César qui devint dans la suite le plus grand des Romains,

  1. L’Espagne ultérieure se composait de tout le pays situé au delà du fleuve Bétis, aujourd’hui Guadalquivir, et l’Espagne citérieure de tout le pays situé en deçà jusqu’aux Pyrénées.