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un surnom formé d’une épithète prise du caractère de l’individu, de ses actions, de ses qualités ou de ses défauts corporels : ainsi Macrinus[1], Torquatus[2], Sylla[3] ; comme sont chez nous Mnémon[4], Grypus[5], Callinicus[6]. Mais, sur cette question, l’irrégularité de l’usage fournirait ample matière à controverse[7].

Quant à la figure de Marius, nous avons vu, à Ravenne en Gaule[8], une statue de marbre qui répond exactement à ce que l’on dit de la rudesse et de l’âpreté de son caractère. Doué d’une complexion robuste, né pour la guerre, son éducation fut militaire bien plus que civile : aussi était-il incapable de modération dans l’usage du pouvoir. On dit qu’il n’apprit pas les lettres grecques, et qu’il ne voulut faire usage de cette langue dans aucune affaire importante : c’était, selon lui, chose ridicule d’apprendre une langue enseignée par des esclaves. Cependant, après son deuxième triomphe, à l’occasion de la dédicace d’un temple, il donna des jeux grecs, et il vint au théâtre ; mais il ne fit que s’y asseoir, et s’en alla aussitôt après. Le philosophe Xénocrate avait dans le caractère quelque chose d’un peu farouche, à raison de quoi Platon lui disait souvent : « Ô mon cher Xénocrate, sa-

  1. Du mot macer, maigre.
  2. Du mot torques, collier.
  3. Nom dont l’étymologie est douteuse. Voyez la Vie de Sylla dans ce volume.
  4. Ce nom signifie qui a bonne mémoire.
  5. Qui a le nez aquilin.
  6. Victorieux.
  7. On peut concilier l’opinion de Plutarque avec celle de Posidonius, en disant, ce qui paraît certain, que l’usage avait changé depuis les derniers temps de la république, et que Posidonius a raison par rapport à l’époque où il écrivait, et Plutarque aussi par rapport au temps des empereurs.
  8. Ravenne se trouvait dans ce que les Romains appelaient la Gaule cisalpine, ou en deçà des Alpes.